• Le Schizophrène

     

    Quand je sortais du lycée après les cours, je traversais le terrain vague qui se trouvait alors devant l’Hôtel de Sens, pour aller jusqu’au métro Pont Marie. Direction la maison, à Ivry… Je n’avais guère le loisir de traîner dans le quartier Saint-Paul, et même je n’en avais pas envie. Il se disait en effet de bien curieuses choses… Les copains qui habitaient dans le quartier racontaient en effet qu’un étrange individu rôdait. Nul ne pouvait dire qui il était, ni ce qu’il faisait. Simplement on le surnommait le schizophrène. En fait, ceux qui l’avaient croisé se demandaient s’ils avaient affaire à un homme, ou à un fantôme, un être mystérieusement surgi d’une autre époque, d’un autre siècle. Ils en faisaient une description assez effrayante : il était grand, d’une corpulence athlétique et portait des vêtements d’un autre âge…Les copains parlaient d’un habillement de postillon, avec une veste à multiples boutons dorés et épaulettes, un haut chapeau noir et de hautes bottes de cuir, noires également par-dessus un pantalon de drap. Il avançait d’un pas inébranlable, le regard fixe, droit devant lui dans le quartier Saint-Paul. Mais le plus effrayant était qu’il tenait à la main un gourdin, ou une forte canne qu’il agitait parfois sur son passage… En écoutant les copains en parler, je me suis demandé si ce n’était pas une blague qu’ils me faisaient… Alors, surmontant mon appréhension, je fis plusieurs fois des balades dans le quartier, autour du lycée, rue saint-Antoine, rue de Turenne, rue de Sévigné… Mais je n’ai jamais rencontré le « schizophrène »… D’ailleurs plus personne n’en parlait. J’ai fini par l’oublier : c’était sans doute une histoire inventée ! Et puis un jour, plusieurs années après avoir quitté le lycée, et passant un jour dans le quartier…je l’ai vu ! C’était bien lui, tel que les copains l’avaient décrit : le regard fixe et fiévreux, une tenue de postillon, chapeau et bottes, un gourdin à la main…. Il s’est perdu dans la foule…avant de se perdre un jour, depuis longtemps sans doute, dans la nuit des temps…

  • Commentaires

    1
    alain
    Vendredi 12 Mars 2010 à 15:53
    Je me souviens très bien de ce Monsieur; ce original nostalgiqueen avait décidé de vivre et de s'habiller comme au temps de l'Empire. Il s'éclairait à la chandelle, et vivait comme au temps de Napoléon. On l'a vu longtemps rue St Antoine
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